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« Le Spectacle de la marchandise » à Caen, l’étalage de l’art

Le sujet est classique, mais il a rarement été traité aussi précisément qu’il ne l’est ici : les relations entre le développement de la société industrielle et marchande dans les pays occidentaux dans la seconde moitié du XIXe siècle d’une part ; l’apparition contemporaine de formes d’art nouvelles d’autre part, le temps des réalistes et des impressionnistes.
Rappeler l’intérêt des uns et des autres pour les métropoles, les avenues, les gares, les restaurants ou les théâtres, livres d’histoire et expositions l’ont fait depuis longtemps.
Mais l’exposition qui se tient à Caen ne s’appelle pas pour rien « Le Spectacle de la marchandise ». Le titre est à comprendre de deux manières. La plus immédiate : comment les arts visuels ont tiré des grands magasins et des vitrines des motifs pour peindre, dessiner, graver et photographier. La deuxième : comment le commerce s’est dès cette époque mis en scène et fait grand spectacle pour mieux attirer et vendre.
Les artistes s’en sont vite aperçus et ont commencé à introduire dans leurs vues urbaines les affiches, d’autant plus volontiers qu’ils en étaient eux-mêmes parfois les auteurs. Dès lors, les rapports entre art et commerce ne sont pas seulement de témoignage, le premier montrant le second, mais de collaboration, le premier participant à la promotion du second.
Pour ce faire sont réunis au Musée des beaux-arts de Caen à peu près deux cents toiles, études, eaux-fortes et tirages ; mais aussi des plans, des enseignes, des objets publicitaires et des brevets d’invention ; et quelques citations de romanciers contemporains, à commencer par Emile Zola. Pour les rassembler, les trois commissaires ont sollicité collections publiques et privées, bibliothèques et archives en s’efforçant d’éviter que les documents prennent le pas sur les œuvres : un équilibre a été trouvé entre des parties plus artistiques et d’autres plus politiques, économiques et sociales.
Le lieu du spectacle, c’est Paris ; « Paris capitale du XIXe siècle » pour citer Walter Benjamin, qui est, avec Karl Marx, l’un des inspirateurs de l’exposition. Sa durée s’étire du Second Empire à la première guerre mondiale, de la fondation du Bon Marché par Aristide Boucicaut, en 1852, à la mobilisation, en août 1914, et à l’interdiction des enseignes lumineuses le 12 octobre suivant.
Quelques échappées sont ménagées vers Londres. Il aurait pu en être de même vers Berlin, Milan et New York : les œuvres ne manquent pas. Mais cet élargissement aurait demandé un espace d’exposition plus vaste et d’autres prêts encore. On se contentera donc de la capitale et de ses temples de l’argent qui s’appelaient alors Au tapis rouge, rue du Faubourg-Saint-Martin, ou Au pauvre Jacques, place de la République.
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